Il est coutumier d’admettre que le renouveau de la marionnette à la fin du XXe siècle tient à l’abandon du castelet, en permettant l’ouverture à la scène théâtrale. Cela se traduit par trois avancées : innovations scénographiques sans précédent, invention de jeux corporels ne se limitant plus aux mains et à la voix, confrontation à des conceptions dramaturgiques liant étroitement
l’acteur et la marionnette.
Si la marionnettiste allemande Ilka Schönbein se situe dans cette veine-là, elle s’en distingue par un type d’engagement sacrificiel allant puiser dans un fond originel plus proche des incantations d’Artaud et des rituels apocalyptiques de Kantor que des raffinements formels caractérisant ce renouveau.
En explorant la question de l’identité du côté des formes primitives et inquiétantes du double, dévoilant le lien entre empreintes corporelles, masques et marionnettes, cet engagement exprime une vision tragique de la condition humaine qui définit d’emblée cette dernière du côté d’une théâtralité n’étant plus cantonnée à la mimésis. La scène, lieu d’apparition, devient l’occasion de la confrontation collective des expériences intimes de nos théâtres intérieurs au grand théâtre de la vie.
Se rajoute le fait notoire d’une collusion entre l’oeuvre et le vécu, représentant le principe de base de sa dynamique créative. Que le hasard d’une rencontre puisse produire de l’indéterminé, et voilà que l’évènement, redistribue les cartes, brouille et réinvente, même si les étapes inévitables de la vie restent inchangées. A cette dramaturgie du moi, croisant ce qui vient de la vie intime et ce qui se donne en partage à tous, répondra le principe de ce carnet. De ce pourquoi chaque détail d’un évènement y tient une place déterminante : loin du seul surplomb théorique, il fut écrit dans une durée, portée dans l’attente d’une rencontre, par l’espoir jamais déçu d’une réponse, fut-elle une nouvelle question.