[Courrier envoyé le 20 septembre 2019]
Bienvenue au vingtième Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes !
Avant tout, Monsieur le Ministre, nous vous souhaitons de passer un bon festival, mais nous ne pouvons pas nous empêcher de vous rappeler les propos de votre prédécesseur, Madame Françoise Nyssen, lors de son intervention le 15 septembre 2017, à l’occasion de l’inauguration des nouveaux locaux de l’ESNAM (École Supérieure Nationale des Arts de la Marionnette) – Institut International de la Marionnette à Charleville-Mézières.
« Notre rôle, c’est de vous accompagner. Je suis donc très heureuse de pouvoir vous confirmer, comme cela vous avait été annoncé par la précédente ministre, que nous allons consolider notre appui à vos savoir-faire. Le Ministère de la Culture vous avait promis, l’an dernier, la création d’un nouveau label dédié : « Centre national de la marionnette », comme il existe déjà des Centres nationaux dramatiques ou chorégraphiques, des scènes nationales. Un label pour reconnaître l’excellence artistique, et la mission d’intérêt général des lieux dédiés à la marionnette. Les organisations professionnelles de votre secteur ont travaillé avec le minis- tère pour définir son cahier des missions. Et sa création est en route : j’ai demandé à mes services de lancer la procédure réglementaire en créant un 13ème label national. »
Nous souhaitons donc, deux ans après cette annonce, et à l’occasion de la 20éme édition du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes vous faire part de notre désarroi et de notre colère.
En effet, notre secteur artistique, malgré les avancées réalisées ces dernières années suite à une forte mobilisation de tous les acteurs de la marionnette et des services du Ministère, attend depuis trop longtemps que la parole de Madame Nyssen, Ministre de la Culture issue de votre majorité, soit tenue. Nous ne pouvons plus nous contenter de cette promesse et vous le comprendrez.
On nous oppose à la création de ce nouveau label des arguments techniques, sur la réorganisation probable de la politique des labels au sein de votre ministère. Certes nous n’ignorons pas que vous souhaitez déléguer aux DRAC la capacité d’attribuer un label à une structure ou un opérateur, que vous envisagez de modifier le cahier des charges et les missions de certains labels existants, pour faire place à l’expérimentation, et de revoir peut-être leurs conditions d’attribution et d’évaluation.
Mais en quoi cela impacte-t-il la création de ce 13ème label, si nécessaire à l’épanouissement de notre champ disciplinaire ?
Si vous et vos services souhaitez questionner la place et la fonction des labels, au sein de votre politique des arts et de la culture, comme il semble en être le cas, alors vous comprendrez que nous souhaiterions que notre discipline soit pleinement prise en compte lors de cette ré-interrogation.
Nous pouvons en effet affirmer avec force, qu’aujourd’hui, la marionnette est un art qui – à l’instar du cirque, des arts de la rue, ou de toute autre discipline du spectacle vivant – fait partie intégrante du paysage culturel national. En conséquence, il doit être pris en compte à part entière par votre ministère.
Nous savons tous que la mise en œuvre de votre politique en faveur du spectacle vivant, ainsi qu’une grande part des actions de démocratisation culturelle, repose significativement sur les missions que vous confiez aux établissements labellisés.
Pourquoi les « Centres Nationaux de la Marionnette », qui seront, et vous le savez, indispensables au rayonnement ne devraient-ils pas être pris en compte dans vos réflexion ?
Nous ne voulons pas encore une fois être laissés pour compte, avec comme seuls moyens supplémentaires, pour les années à venir, des promesses non tenues.
Nous n’acceptons plus de nous contenter de bonnes intentions ou de mesures marginales, comme nous l’avons fait depuis deux années.
Nous ne pouvons plus attendre comme de bons élèves que ces turpitudes politico-administratives scellent le sort de dizaines d’équipes artistiques qui ont plus que jamais besoin de moyens identifiés et pérennes pour pouvoir exprimer leurs créativités. Cette attente pourrait également entraver à terme la démarche de plusieurs collectivités territoriales qui après s’être engagées fortement pour soutenir des projets « Marionnette » verraient leurs efforts peu pris en compte par votre ministère. Ce sont pour la plupart des collectivités situées dans des territoires peu dotés en équipements culturels labellisés, et qui souhaitent aujourd’hui accueillir les premiers « Centres Nationaux de la Marionnette ». Elles ont besoin de votre soutien plein et durable pour affirmer, elles aussi, leurs choix auprès de leurs concitoyens.
Alors, Monsieur le Ministre, soyez avec nous, à nos côtés, et honorez rapidement cette promesse.
Nous attendons de votre part le lancement immédiat de la mise en oeuvre des « Centres Nationaux de la Marionnette » pour la saison 2019/2020.
Lors de votre visite, nous souhaitons également, en dehors de l’urgence de la création des CNM, pouvoir vous exposer l’état du paysage de la marionnette en France ainsi que son dynamisme actuel et aborder avec vous l’ensemble des sujets sur lesquels nous désirons travailler avec vos services, en particulier le soutien aux « Lieux compagnies missionnés pour le compagnonnage ». Nous désirons aussi vous alerter sur la situation financière et budgétaire de l’Institut International de la Marionnette, ainsi que sur la fragilité et l’avenir du Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières.
C’est toute une profession, celle issue de la marionnette bien sûr, mais aussi l’ensemble de notre corpus professionnel, qui à travers cette lettre ouverte, vous interpellent.
Merci et bienvenue, Monsieur le Ministre.
Isabelle Bertola et Frédéric Maurin
Co-Président.e.s de Latitude Marionnette, réseau des scènes marionnettes
Nicolas Saelens
Président de THEMAA, Association Nationale des Théâtres de Marionnettes et Arts Associés