La modernité a inventé de nouvelles subjectivités grâce notamment à un changement profond de sa conception de la corporéité. Le corps, lieu de projection de l’identité personnelle, a été la fabrique de l’identité moderne. Entre l’écriture dramatique et l’écriture scénique, la force d’apparition prise par le corps de l’acteur au début du XXe siècle a été un événement essentiel. Aujourd’hui, les enjeux liés à cette prédominance de la pensée du corps en scène et de son émancipation dans la représentation, sont vastes et complexes. On ne peut se passer du corps de l’acteur, la magie éphémère du théâtre est faite de sa présence. Pourtant, de quel corps s’agit-il ? Du corps-instrument de l’acteur, dont le training vise à accroître la disponibilité, ou du corps du personnage, ce fantôme dont Jouvet a si bien décrit l’errance et le besoin d’incarnation ? Sans doute des deux. Le corps, tel qu’il est questionné dans cet ouvrage, tient à la fois du corps visible et de l’invisible qui, comme son ombre, l’accompagne. Celui qui transgresse les limites, brouille les frontières, se plaît aux travestissements, joue sur plusieurs niveaux. Le corps libertaire, festif, ludique, plastique. Dans une perspective pluridisciplinaire, à la croisée des arts du théâtre, de la danse, du mime, du cirque, de la marionnette, nous souhaitons interroger le corps prismatique de l’acteur-danseur en scène, entre organicité et artifice, plasticité et insoumission, liberté et contrainte, fêlure et énigme.