Qu’advient-il lorsque fraîchement débarqué au Japon, on s’aventure dans un théâtre de marionnettes ? Reste-t-on « à la porte », ou peut-on espérer que l’espace de la représentation se dévoile et s’explique ? Quelle place pour le spectateur devant un dispositif où la scène se dédouble, où les corps sont séparés de leur voix, où la notion de personnage même semble subir un éclatement continu ?
Au théâtre comme partout au Japon, les portes sont des panneaux coulissants. Elles s’écartent successivement, au fil des questions soulevées : comment a-t-on eu l’idée d’une manipulation à trois ? Pour quelle raison certains montreurs ont-ils le visage découvert et d’autres non ? Pourquoi plusieurs récitants se succèdent-ils au cours d’une même pièce ? Et surtout : d’où vient qu’un espace et un jeu à ce point fragmentés donnent une impression de si grande cohésion ?
La fascination du néophyte s’augmentant de curiosité, ce journal d’une découverte peut aussi être lu comme une enquête sur l’histoire des pratiques scénographiques et musicales d’un art plus que jamais vivant, dont les performances perpétuent celles qui firent l’âge d’or du genre au XVIIIe siècle. Un aspect retient l’attention : l’usage inouï de la voix, qui amène l’enquêteur à poursuivre son investigation du dedans, par l’apprentissage.
L’aventure s’achève donc dans le face à face d’un maître – Takemoto Koshikô, héritière de l’inventeur d’un art vocal auquel il a laissé son nom, le gidayû –, et d’un disciple que rien ne préparait à une telle opération pédagogique : le transvasement, d’une oreille dans une autre, d’une mémoire lyrique vieille de plus de trois siècles.